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Interview du Pr Atul Pathak


© la Dépêche

INTER/MED : Professeur Pathak, quels ont été les points importants des JESFC 2018 ?

Pr Atul Pathak : Le point essentiel des JESFC 2018, dans mon domaine, porte sur la discussion autour des recommandations US qui ont été mises au point et publiées comme une conséquence de l’essai clinique SPRINT. SPRINT a été un grand essai de morbi-mortalité dans l’hypertension artérielle concluant que des objectifs de bien plus bas que ceux communément admis entraînent une nette réduction de la morbi-mortalité liée à l’HTA. SPRINT a été un essai de prévention cardio-neuro-vasculaire mais excluant différents types de patients, notamment les diabétiques. Ainsi, après analyse attentive de la littérature, les sociétés savantes US (ACC/AHA/ASH) préconisent de nouveaux objectifs, à la fois diagnostique et thérapeutique : on est désormais hypertendu lorsqu’on dépasse non plus 140/90 mais 130/80 mmHg et, dans ces conditions, l’objectif thérapeutique est de revenir en deçà de 130/80 mmHg.

Ces recommandations ont engendré bien des débats car, lorsqu’on change les objectifs, on modifie la population des hypertendus à la hausse ! En Europe, où l’on est encore à l’objectif de 140/90 mmHg, on y amène à grand peine 50% des patients. Passer à un nouvel objectif bien inférieur, c’est élargir la base de population à traiter sans savoir si on est capable d’y arriver. Ce débat va se poursuivre avec la prochaine révision des recommandations européennes (ESC/ESH), qui est prévue pour dans quelques mois (NDLR : probablement au congrès ESH, en Juin 2018, au plus tard fin Août à l’ESC).

I/M : Les européens vont-ils suivre ?

AP : La rumeur est que les sociétés savantes européennes vont suivre les recommandations US. J’avoue que cela me surprend mais cela reste des rumeurs.

I/M : Et que pensez-vous de cette perspective ? Est-elle raisonnable, techniquement réalisable ?

AP : Je dirais qu’une décision, qui semble initialement déraisonnable, n’est pas forcément à exclure. Si, en changeant nos objectifs tensionnels, nous arrivons à modifier durablement l’état de santé de nos patients dans le bon sens, peut-être faut-il s’y résoudre, en acceptant la survenue de quelques événements indésirables, comme avec les statines.

Je dirais, personnellement, que réduire excessivement la pression artérielle fait émerger des risques, du moins chez certains patients. Il faut analyser le niveau de preuve au travers de méta-analyses de la littérature.

I/M : Et en exclure SPRINT ?

AP : Oui car SPRINT est un essai très particulier ! Il exclut les diabétiques, repose sur des mesures de PA particulières et différentes des essais précédents, recourt à des médicaments non disponibles en France, ce qui constitue autant de biais. Ils rendent sa transposabilité dans notre expérience de thérapeutes questionnable. Ainsi, si l’on voulait suivre les Américains, il faudrait, sur la seule base de cette étude, changer nos pratiques sur l’HTA ?

I/M : Et sinon ?

AP : Je voudrais partager une étude qui a été présentée aux JESFC et qui a fait l’objet d’une publication dans le Lancet : l’essai SIMPLICITY-OFF. Cette étude a cherché à évaluer, chez des hypertendus modérés, l’intérêt de la dénervation rénale lorsqu’on a stoppé les traitements antihypertenseurs. La question posée était : est-ce que l’intervention de dénervation rénale parvient à réduire la PA autant que les médicaments ? La réponse est oui ! Bien que cet essai n’ait porté que sur une petite cohorte, on observe que, chez l’hypertendu modéré à léger après arrêt du traitement médicamenteux, la dénervation entraine une diminution significative de la PA par rapport aux patients « sham » (même traitement mais sans dénervation). Ici la mesure tensionnelle reposait sur la méthode validée de la MAPA. Cela ouvre la perspective de la dénervation comme alternative thérapeutique au traitement médicamenteux dans l’HTA banale, où l’on sait que l’adhérence au traitement est très insuffisante.

I/M : A t-on parlé du risque cardiovasculaire ?

AP : Des données intéressantes s’accumulent. Par exemple, on observe que la réduction très intense du LDL-cholestérol, comme on peut l’obtenir avec les anti-PCSK9, est fort efficace. Cela implique qu’il faut arrêter de polémiquer autour des statines. On voit aussi que l’augmentation du HDL-cholestérol n’a pas d’intérêt décelable, cette voie restant purement exploratoire. Enfin, on note que des thérapeutiques du diabète, comme les inhibiteurs de la SGLT1 et le liraglutide (incrétine), réduisent la morbi-mortalité cardiovasculaire des diabétiques.

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