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Le scanner va-t-il tuer les autopsies ?


L’apparition d’une nouvelle technique en médecine incite souvent à une euphorie, en grande partie justifiée. Rappelons-nous l’arrivée du scanner cérébral dans les années 1970, puis le scanner corps entier, enfin l’IRM et les diagnostics inattendus qu’ils ont offert à des cliniciens (pensons aux « incidentalomes…) souvent perplexes. Dans le travail de Rutty et coll., les patients sont moins dans le cadre de l’urgence, mais l’identification d’une cause de décès, outre l’aspect parfois judiciaire en droit pénal et/ou civil, reste une cause sacrée. Toute nouvelle approche diagnostique doit être évaluée contre la technique classique qu’elle doit compléter avant, parfois, de la remplacer. Le scanner post-mortem ne fait pas exception : il ne sera pas autonome avant longtemps et coexistera avec l’autopsie habituelle. Mais il a l’immense avantage de ne pas être soumis aux idées préconçues ! Examinant le corps complétement et sans préjugés, il va apporter des éléments diagnostiques inattendus alors que les données initiales ont pu orienter le légiste, même consciencieux, vers la confirmation d’une cause de probabilité. Les exemples fournis, bien choisis, abondent dans ce sens. Réjouissons-nous de ce remarquable travail, car il ouvre une ère nouvelle en médecine légale.

L’utilisation de la radiographie dans le domaine de la médecine légale n’est pas récente. Dès 1895, les premières radiographies étaient utilisées et la première angiographie post-mortem a été réalisée en janvier 1896. Ce n’est que beaucoup plus tard en 2003 que le scanner a été utilisé à visée médico-légale. Dans un travail qui vient tout juste d’être publié dans le Lancet, Guy N. Rutty et coll. ont réalisé un scanner avec une opacification des artères coronaires afin d’avoir une vue plus complète du diagnostic chez des personnes décédées subitement. Tous ces décédés ont également bénéficié d’une autopsie classique et les deux examens ont été comparés.

Il s’agit d’une série importante de 210 cas pour lesquels le diagnostic n’était pas traumatique ou évident. Dans tous les cas, un cathéter a été inséré dans l’aorte ascendante, juste au-dessus de la racine aortique en passant par la carotide interne gauche. Les injections d’iode ont été faites de manière manuelle pour les premiers cas puis de manière automatique ensuite (avec des injecteurs programmés). L’autopsie classique a été réalisée le lendemain et les médecins désignés pour interpréter les examens n’étaient pas au courant des résultats de l’autre procédure.

La cause du décès a pu être établie par le scanner chez 193 patients soit 92 % des cas. Il existe bien sûr des discordances entre le scanner et l’examen autopsique. Chez 12 cas identifiés par le scanner, il y avait une discordance avec l’autopsie et chez 9 cas identifiés par l’autopsie, il y avait une discordance avec le scanner.

Les exemples qui sont fournis dans l’article sont démonstratifs.

- Les auteurs décrivent tout d’abord le cas d’un homme de 62 ans, ex-tabagique diabétique de type 2 qui est décédé subitement et de manière inattendue. Le scanner coronaire a mis en évidence une sténose significative de l’artère interventriculaire antérieure et une atteinte myocardique en faveur d’un infarctus du myocarde antéro-septal expliquant la mort.

- Dans une autre situation, il s’agit d’une femme de 73 ans qui est décédée d’un arrêt cardiaque. L’autopsie a mis en évidence une hémorragie sous-arachnoïdienne et un cortex cérébral normal mais n’a pas décrit le cervelet; à l’opposé, le scanner a mis en évidence une hémorragie cérébelleuse significative. Ainsi, l’autopsie a incorrectement identifié la cause initiale du décès.

- Dans un autre cas, un homme de 33 ans diabétique de type 1 et alcoolique est décédé subitement ; le scanner et l’autopsie ont identifié comme cause de décès une acidocétose diabétique, mais l’autopsie a omis une hémorragie sous-arachnoïdienne importante qui a contribué au décès du patient.

- Une femme âgée de 84 ans sous traitement anticoagulant et est décédée subitement. Son décès a été attribué à une insuffisance coronaire liée à une anémie avec hypovolémie. Cependant, l’autopsie n’a pas identifié la cause du saignement alors que le scanner a bien montré une fracture de l’omoplate avec environ 1 litre de sang dans la paroi thoracique gauche.

- Une femme âgée de 86 ans a été trouvée morte dans son jardin alors qu’il faisait très froid. Le scanner est en accord avec l’autopsie sur la présence d’une maladie coronaire ischémique mais l’autopsie n’a pas identifié de traumatisme. À l’opposé, le scanner a permis de montrer une luxation de l’épaule, probablement la cause initiale du décès à son domicile (par l’intermédiaire d’une chute qui l’a immobilisée, induisant une exposition au froid ayant abouti au décès).

- Enfin, une femme âgée de 91 ans est décédée subitement d’une maladie coronaire aiguë en rapport avec un rétrécissement aortique. Cependant, le scanner a mis en évidence des processus pathologiques complémentaires c’est-à-dire une fracture aiguë du fémur gauche d’origine pathologique et la présence de métastases pulmonaires qui n’ont pas été rapportées par l’autopsie. Il est fort probable que ces deux pathologies ont contribué à exacerber l’ischémie coronaire (car la fracture fémorale peut s’accompagner d’une hémorragie interne substantielle, donc d’une hypovolémie potentiellement mortelle en cas de sténose valvulaire aortique associée à une coronaropathie).

En résumé, jusqu’à une date récente, l’autopsie était considérée comme le « Gold Standard » en médecine légale. Il s’avère que le scanner avec en particulier le scanner coronaire permet de bien repérer les morts subites d’origine coronaire/myocardique. Dans la série présentée, l’autopsie est meilleure pour identifier l’embolie pulmonaire et le scanner est meilleur pour identifier les traumatismes et les hémorragies. Dans un avenir plus ou moins proche, il est probable que le scanner précèdera l’autopsie afin de limiter l’autopsie médico-légale aux cas les plus difficiles.

Référence :

Rutty GN, Morgan B, Robinson C, Raj V, Pakkal M, Amoroso J, Visser T, Saunders S, Biggs M, Hollingbury F, McGregor A, West K, Richards C, Brown L, Harrison R, Hew R. Diagnostic accuracy of post-mortem CT with targeted coronary angiography versus autopsy for coroner-requested post-mortem investigations: a prospective, masked, comparison study. Lancet. 2017 May 24. pii: S0140-6736(17)30333-1. doi: 10.1016/S0140-6736(17)30333-1. [Epub ahead of print]

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