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Entretien avec le Pr Ferrières


© La Dépêche

Lors de nos choix pour l’organisation des JESFC, nous avons sélectionné le « cardiométabolisme » comme fil conducteur. Les sessions ont commencé avec une intervention de la Société Française d’Endocrinologie sur la thyroïde. J’ai animé une séance sur les hormones sexuelles, abordant la contraception et la ménopause, avec la Gynécologie et la Société Française d’Athérosclérose. Nous avons noté l’intérêt de nombreux cardiologues venant d’horizons divers. Nous avons aussi annoncé la création d’un Cercle de Lipidologie, nouveau groupe de travail de la SFC, le but étant d’attirer les cardiologues vers le métabolisme lipidique et l’athérosclérose. C’est en effet le fondement de la maladie coronaire.

Il nous a paru que les cardiologues sont absorbés par leurs sous-spécialités et oublient de se rencontrer. Chacun assiste aux réunions sur sa sous-spécialité, entraînant un cloisonnement.

Le patient, de son côté, commence par développer des plaques coronaires, puis souffre d’un IDM, avant d’arriver en insuffisance cardiaque, avec des troubles du rythme, nécessitant défibrillateur… sans que les thérapeutes n’aient agi en réelle concertation.

Le groupe de travail doit réfléchir à l’après-USIC : éviter les récidives, gérer le post-IDM ! On observe un considérable déploiement d’énergie pendant les quelques jours d’USIC puis d’hospitalisation. Un compte-rendu est rédigé, mais bien souvent, le post-IDM est négligé et le patient perdu de vue. La plupart d’entre nous n’a pas le temps de s’occuper de cette phase, d’envoyer le patient en réadaptation… où on le surveille, on s’occupe de son observance.

Pourtant, des sessions importantes sont consacrées au post-IDM, abordant l’anti-agrégation plaquettaire ou le DAPT comme dans l’essai PEGASUS, à vie. D’autres s’intéressent, comme dans COMPASS, à l’association AOD +anti-plaquettaires chez les coronariens stables. Quelle sera la stratégie gagnante : DAPT ou AOD + anti-plaquettaire ? Cette dernière semble porter un bénéfice supérieur en termes de mortalité, CV et globale… C’est une nouvelle importante pour les coronariens stables. La fin n’est pas écrite, car on peut imaginer des approches anti-thrombotique – DAPT, etc… en éludant peut-être les risques hémorragiques majeurs devant le duel des compagnies pharmaceutiques ! Ces deux voies du post-IDM à distance devront chacune trouver leur place, sans doute dépendant en grande partie du profil des patients, ouvrant l’ère d’une médecine de précision, sur mesure. Car les effets indésirables ne sont pas du tout abstraits, avec des hémorragies ORL, digestives… Les patients voient bien souvent ces EI au premier plan alors que les récidives d’IDM semblent au fil du temps plus abstraites.

Aujourd’hui, le véritable défi du post-IDM c’est l’observance, et en particulier le « tri » des médicaments par le patient qu’il nous avoue parfois. Ils sont en effet souvent bien nombreux, du fait des autres pathologies à pratiquer un tri entre les différents médicaments prescrits. Le patient est confronté à la « polypharmacie » et s’y perd, ne pouvant analyser l’importance de chaque ligne de prescription… Dans cet esprit nous avons proposé un essai thérapeutique, SECURE, testant une triple association aspirine/IEC/statine laissant espérer une meilleure compliance. Ce dossier a malheureusement été refusé.

Un autre sujet, sélectionné comme « Best Poster » par la SFC avec publication dans le Canadian Journal of Cardiology, porte sur le lien entre toutes ces notions. A partir des recommandations 2016 de l’ESC sur la prévention cardiovasculaire, des sujets sains pour lesquels les données avaient été complétées (FRCV…) ont été sélectionnés. Ils ont alors bénéficié de toutes les recommandations de l’ESC. Certains ont été très observants quant aux mesures prescrites, d’autres pas du tout. Ces sujets ont été suivis 18 ans à partir de 1995. L’analyse de leur profil en 2013 montre que l’adhésion aux recommandations diminue le risque de décès et d’IDM. Il a été possible de calculer que, pour le dernier quartile (ceux qui respectent le moins les recommandations), s’ils amélioraient au moins un de leurs facteurs de risque, il serait possible d’éviter, en France, 90.702 décès CV et 419.020 décès toutes causes confondues ! Le projet du Cercle de Lipidologie reflète un peu cette démarche. Lorsqu’un patient vient consulter, quelle que soit le motif (systématique, aptitude, assurance…), l’objectif est de faire en sorte qu’il ne devienne jamais coronarien. Et aujourd’hui, nous en avons les moyens ! Pour les coronariens stables, il est possible de faire qu’ils restent stables et en vie !

Autre exemple : nous disposons d’une abondante littérature sur la chimiothérapie et le cœur. En revanche, alors que de nombreux cancers mammaires font l’objet d’une radiothérapie seule, on sait peu de choses sur ses effets. On observe qu’à long terme des problèmes peuvent apparaître. En effet, juste derrière le sein se trouve l’IVA. Lorsqu’elle est irradiée, elle développe une sorte de maladie radique qui risque de se manifester des années plus tard. Ce cas illustre une fois de plus la nécessité pour la cardiologie de dépasser ses limites. Or j’ai observé que dans aucun Cancéropôle il n’existe d’évaluation cardiologique initiale. Que la femme soit tabagique, dyslipidémique ou hypertendue, elle subit son traitement sans bilan CV avec un risque de complications CV en milieu de cure. C’est une autre faillite de la transversalité !

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