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Question d'éducation


Le 12 janvier dernier s’est tenu au Palais des Congrès de Paris la Journée de Gastroentérologie de l’Hôpital Beaujon. Ce fut l’occasion pour le Pr Matthieu Allez et le Dr Clotilde Baudry, de l’Hôpital Saint-Louis AP-HP, de faire le point sur l’Education Thérapeutique du Patient dans le cadre des maladies inflammatoires chroniques intestinales au travers de l’étude ECIPE.

L’éducation thérapeutique du patient est transversale à toutes maladies chroniques et a déjà prouvé son efficacité dans de nombreuses pathologies. Ainsi, dans le diabète, l’ETP permet d’améliorer la glycémie et a un impact positif sur les complications (ulcérations du pied) et sur le taux d’hospitalisation. Dans l’HTA, elle améliore significativement la pression artérielle systolique. Dans l’asthme, elle permet de réduire le nombre et la gravité des crises d’asthme.L’éducation thérapeutique du patient est un modèle de soin différent, complémentaire du modèle de soin classique. Elle permet un enrichissement mutuel entre patients et soignants. Pour l’équipe soignante, c’est l’opportunité d’harmoniser le discours médical, de faciliter la délégation de tâches, d’élargir les compétences et de créer une motivation et une dynamique d’équipe.

Pour l’OMS, la mission de l’ETP est d’aider le patient à acquérir ou à maintenir les compétences dont il a besoin pour gérer au mieux sa vie face à sa maladie chronique. L’ETP doit l’aider à comprendre sa maladie et son traitement, à collaborer avec les soignants et à assumer ses responsabilités dans le but de maintenir et d’améliorer sa qualité de vie. En France, la loi HPST du 21 juillet 2009 a inscrit dans le code de la santé publique l’ETP comme une priorité nationale. Les programmes d’ETP respectent un cahier des charges national, ils sont mis en œuvre après autorisation des Agences Régionales de Santé et sont évalués par la Haute Autorité de Santé.

L’ETP a également un rôle à jouer dans les maladies inflammatoires chroniques intestinales (MICI). Elles concernent environ 80.000 à 100.000 personnes en France et touchent des sujets de plus en plus jeunes. Comme pour la plupart des maladies chroniques, le mode évolutif des MICI, caractérisé par des poussées entrecoupées de phase de rémission, nécessite un recours aux soins fréquent avec un traitement de fond pour réduire la fréquence des poussées. Ces patients sont souvent confrontés à des difficultés psycho-sociales et peuvent avoir tendance à s'isoler, avec un retentissement certain sur leur vie affective et socio-professionnelle. Jusqu’à présent, très peu d’études s’étaient intéressées à l’impact de l’éducation thérapeutique chez des patients souffrant de MICI.

C’est pourquoi un programme spécifique d’éducation (EDU-MICI) a été conçu sous la responsabilité d’un comité scientifique issu du GETAID (Groupe d’Etude Thérapeutique dans les Affections Inflammatoires Digestives) et de l’association de patients François Aupetit (AFA). L’évaluation scientifique de ce programme a fait l’objet d’une étude multicentrique réalisée sur plus de 260 patients par une vingtaine de centres du GETAID : l’étude ECIPE (Etude Randomisée et Contrôlée évaluant l’Impact du Programme d’Education).

Pendant six mois, un groupe de patients éduqués a été suivi et comparé de façon randomisée et contrôlée à un groupe de patients témoins non éduqués. Les sujets témoins ont bénéficié du même programme d’éducation du sixième au douzième mois. Un set de 51 cartes portant sur des thématiques-clés de la prise en charge des patients atteints de MICI a été spécialement réalisé. Les séances d’éducation thérapeutique ont été conduites par les équipes soignantes locales : des infirmiers préalablement formés en ETP. Elles avaient lieu en individuel pendant une à deux heures. Plusieurs cartes étaient utilisées lors de ces séances, et chaque patient a bénéficié de trois à cinq séances. Le critère de jugement principal reposait sur l’évaluation d’un score psycho-pédagogique dont la progression devait être > 20% dans le groupe éduqué par rapport au groupe contrôle. Ce score avait été mesuré au début de l’étude, puis à 6 mois et à 12 mois pour tous les patients. Il comportait 3 volets : 1. Conceptions et compétences. 2. Comportements de santé. 3. Qualité de vie et organisation du quotidien.

L’analyse statistique en intention d’éduquer a montré que le score ECIPE augmente de plus de 20% chez 46% des patients « éduqués » vs 24% des patients « non éduqués ». Les résultats sont très positifs pour les deux premiers volets : « Conceptions et compétences » et « Comportements de santé », moins pour le dernier : « Qualité de vie et organisation au quotidien ». Parmi les objectifs secondaires, les résultats sont également positifs pour la qualité de vie mesurée par le score IBDQ, pour le score d’inquiétude des patients (RFIPC) et pour la productibilité au travail (WPAI). En revanche, le score d’observance n’était pas significativement augmenté à 6 mois.

Les principales difficultés rencontrées dans la mise en place d’un programme d’ETP sont de trouver du personnel formé et de dédier du temps infirmier consacré à cette activité. En outre, l’amélioration des compétences et des comportements de santé des patients atteints de MICI grâce à un programme d’ETP serait potentiellement source de gain médico-économique, même si cela reste encore à démontrer.

Moreau J, Marthey L, Trang C, et al. Impact of an education program on IBD patient’s skills: a randomized, controlled multicenter study (ECIPE). UEG Journal 3(5S):A91; OP281.

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